Les patients ont droit à tous leurs diagnostics - Interview dans la Croix (série les Français par eux-mêmes - épisode 85/87-11 janvier 2025)
J'ai eu l'honneur d'être interviewée en fin d'année dernière par le journaliste indépendant Adam Lebert pour la CROIX L'HEBDO (parution le 11 janvier 2025). Je les remercie de m'avoir donné l'opportunité de parler d'une partie des causes qui me tiennent à coeur, même si je l'avoue le format "portrait" ne m'a pas mise à l'aise. Je n'aime pas parler de moi, à titre personnel, préfèrant parler des idées que je défends, des liens que je fais entre elles et des actes accomplis dans un but collectif.
Il a aussi été très difficile de poser, la photo en témoigne (maintenant je sais pourquoi je n'y arrive pas..).
⇨Mon message majeur, outre la stigmatisation perçue ou subie autour du trouble bipolaire (qui est un vrai sujet à part entière), est que les patients ont le droit de connaitre tous leurs diagnostics médicaux. Même s'il n'y a pas de traitements pour certains d'entre eux, ils veulent savoir avec quels troubles ou handicaps invisibles ils vivent. J'ai constaté ce besoin pour moi-même mais aussi dans mes activités auprès de mes pairs, et c'est vital. Les témoignages que j'ai reçus après la publication de l'article dans LA CROIX, confirment encore que beaucoup trop de personnes sont dans une quête douloureuse "pour savoir ce qu'elles ont", elles et leurs parents, enfants, pourquoi elles ont eu des vies si difficiles, malgré tant d'efforts.
⇨Dores et déjà, j'ai écrit à plusieurs reprises sur ce sujet et notammant, la postface de l'ouvrage LEH La santé mentale en France : https://www.leh.fr/edition/p/la-sante-mentale-en-france-9782848749884 Extrait :
Allumer la lumière et rependre pied
[...]Un jour, on a allumé la lumière et j’ai pu découvrir mon premier adversaire : le trouble bipolaire de l’humeur, à 35 ans. Auparavant, j’avais été prise en charge par différents thérapeutes qui n’avaient rien nommé, avec cette impression que nous n’avions fait que tourner en rond dans les méandres de mon psychisme. Le tout empreint d’un certain fatalisme, sans espoir de changer la donne. La psychiatrie publique m’a sauvée, grâce à l’idée astucieuse de mon médecin généraliste. Grâce à plusieurs prises en charge au fil du temps : psychiatre, psychologue, trois programmes d’ETP[1] groupaux, TCC[2] groupale d’affirmation de soi (pour lutter contre l’anxiété sociale) et TCC d’inspiration MBSR[3] pour lutter contre les TCA[4], aujourd’hui, j’essaie de maitriser mes troubles à l’instar d’un cheval fougueux qu’il faut juste apprivoiser…
Ce n’est que très récemment que j’ai découvert, les deux petits derniers, ces troubles neurodéveloppementaux, qui passent sous les radars chez l’adulte et encore plus chez les femmes, lorsque l’atteinte fonctionnelle n’est pas majeure. Enfant, j’avais compensé par des aptitudes élevées dans d’autres domaines et par ma discrétion. Cette part développementale engendre pourtant un terrain de vulnérabilité important sur lequel les troubles psychiatriques peuvent prospérer. Ce sont de véritables handicaps invisibles que j’ai depuis la naissance (un défaut de maturation des synapses dans certaines zones du cerveau, issu d’un ensemble de gènes sur le chromosome X[5]), qui impactent insidieusement les relations avec les autres ainsi que mes capacités cognitives, autant de handicaps qu’il faut compenser : le Trouble déficitaire de l’attention sans hyperactivité (TDA-H), et le Trouble du Spectre Autistique sans déficience intellectuelle (TSA-SDI). Ils ont affecté mon estime de moi-même en profondeur, car ils m’ont fait échouer malgré mes efforts, engendrant une profonde autodévalorisation et des idées suicidaires. C’est très important de savoir que l’on a un profil cognitif hétérogène (que cela existe !) pour éviter d’avoir une image de soi alignée exclusivement sur ses insuffisances et fragilités. Phénomène amplifié par les biais cognitifs du « tout ou rien » et de perfectionnisme, souvent présents. Quelle découverte de savoir que l’on a des compétences hétérogènes qui vont de 86 à 137, c’est capital de savoir cela, pour surmonter la honte d’être en difficulté sur des taches simples. Aussi je plaide en faveur d’une systématisation des bilans neurocognitifs aux personnes ayant eu un diagnostic de trouble psychiatrique pour qu’ils retrouvent une estime d’eux même, ne nous y trompons pas, cela peut sauver des vies.
Le parcours de vie ne s’est toutefois pas éclairci tout de suite pour moi...[...]
Avocate conseil d'entreprise pendant 13 ans
Bénévole dans l'humanitaire pendant 10 ans
Dans la santé mentale, depuis 9 ans :
blogueuse et pair-aidante professionnelle
Fondation de l'association Psy'hope il y a 7 ans
Parcours de rétablissement à partir de 49
ans
Diagnostiquée avec des TB à 35 ans, de TND
à 54 et 57 ans
But : aider mes pairs à aller mieux avant
l’âge de 50 ans en s'engageant partout où c'est possible aux côtés des
professionnels de santé ! mais aussi, hors les murs !