Corrélation génétique entre de nombreux troubles psychiatriques : le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention (TDAH), le trouble bipolaire, le trouble dépressif majeur (TDM) et la schizophrénie. (Etude du Consortium Brainstorm sur plus d'un million d'individus, Science, 22 juin 2018)

Le degré élevé de corrélation génétique entre de nombreux troubles psychiatriques ajoute une preuve supplémentaire que leurs frontières cliniques actuelles ne reflètent pas des processus pathogènes sous-jacents distincts, au moins sur le plan génétique. Cela suggère une nature profondément interconnectée pour les troubles psychiatriques, contrairement aux troubles neurologiques, et souligne la nécessité d'affiner les diagnostics psychiatriques

Résumé de l'étude 
Introduction

Les troubles mentaux (brain disorders) peuvent présenter des symptômes communs et une comorbidité épidémiologique importante, ce qui incite au débat sur leur chevauchement génétique.

L'étude détaillée des phénotypes avec différents âges d'apparition, de gravité et de présentation a posé un défi considérable. Des méthodes d'héritabilité récemment développées ont permis de mesurer avec précision la corrélation entre le risque de variant commun à l'échelle du génome entre deux phénotypes provenant de groupes d'individus différents et d'évaluer leur lien, ou du moins leurs risques génétiques, au niveau génomique. 
L'étude a porté sur 265.218 patients et 784.643 participants témoins, ainsi que 17 phénotypes sur un total de 1.191.588 individus, pour quantifier le degré de chevauchement des facteurs de risque génétiques de 25 troubles cérébraux/mentaux courants.

Raisonnement


Au cours du siècle dernier, la classification des troubles mentaux a évolué pour refléter les évaluations des communautés médicales et scientifiques des causes profondes présumées des phénomènes cliniques tels que le changement de comportement, la perte de la fonction motrice ou les altérations de la conscience. Des phénomènes directement observables (tels que la présence d'emboles, d'enchevêtrements de protéines ou de profils d'activité électrique inhabituels) définissent et séparent généralement les troubles neurologiques des troubles psychiatriques. Comprendre les fondements génétiques et les distinctions catégoriques pour les troubles cérébraux et les phénotypes apparentés peut éclairer la recherche de leurs mécanismes biologiques.
Résultats

Il a été démontré que le risque de variante commune pour les troubles psychiatriques était significativement corrélé, en particulier dans le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention (TDAH), le trouble bipolaire, le trouble dépressif majeur (TDM) et la schizophrénie. En revanche, les troubles neurologiques apparaissent plus distincts les uns des autres et des troubles psychiatriques, à l'exception de la migraine, qui est significativement corrélée au TDAH, au TDM et au syndrome de Tourette. 

L'étude démontre que, dans la population générale, le trait de personnalité névrotique est significativement corrélé avec presque tous les troubles psychiatriques et la migraine. Nous identifions également un partage génétique significatif entre les troubles et les mesures cognitives précoces (par exemple, les années d'études et le niveau d'études collégiales) dans la population générale, démontrant une corrélation positive avec plusieurs troubles psychiatriques (p. anorexie mentale et trouble bipolaire) et une corrélation négative avec plusieurs phénotypes neurologiques (p. ex. la maladie d'Alzheimer et l'AVC ischémique), même si ces derniers sont considérés comme résultant de processus spécifiques survenant plus tard dans la vie. 

Des simulations approfondies ont également été effectuées pour déterminer comment la puissance statistique, l'erreur de classification diagnostique et l'hétérogénéité phénotypique influencent les corrélations génétiques.
Conclusion

Le degré élevé de corrélation génétique entre de nombreux troubles psychiatriques ajoute une preuve supplémentaire que leurs frontières cliniques actuelles ne reflètent pas des processus pathogènes sous-jacents distincts, au moins sur le plan génétique. Cela suggère une nature profondément interconnectée pour les troubles psychiatriques, contrairement aux troubles neurologiques, et souligne la nécessité d'affiner les diagnostics psychiatriques. Les analyses génétiquement informées peuvent fournir un «échafaudage» important pour soutenir une telle restructuration de la nosologie psychiatrique, ce qui nécessite probablement l'incorporation de nombreux niveaux d'information. 
En revanche, l'étude trouve des preuves limitées de partage généralisé des risques génétiques communs entre les troubles neurologiques ou à travers les troubles neurologiques et psychiatriques. 
L'étude montre que les troubles psychiatriques et neurologiques ont des corrélations robustes avec les mesures cognitives et de la personnalité. D'autres études sont nécessaires pour évaluer si les contributions génétiques qui se chevauchent à la pathologie psychiatrique peuvent influencer les choix de traitement. 
En fin de compte, de tels développements peuvent ouvrir la voie vers une hétérogénéité réduite et un meilleur diagnostic et traitement des troubles psychiatriques.

Références de l’article : "Analyse de l'héritabilité partagée dans les troubles communs du cerveau"   Le consortium Brainstorm, Verneri Anttila, Brendan   

"Ces résultats ne sont pas une réelle surprise, car ils  confirment des études génétiques passées et les observations cliniques. Nous devons donc avoir réellement conscience que les troubles psychiatriques sont très fortement interconnectés. Ce qui obligera tôt ou tard à repenser complètement leur classification, ainsi que la façon de les aborder et de les traiter." Luc Périno, médecin, écrivain et essayiste.