"La dépression n'est pas le vide dispensable qui surgit lorsqu'il n'est plus possible de courir. Elle est le vide hautement signifiant qui empêche de marcher."
Samuel Dock, psychologue clinicien, dans Le choc des générations.
Quelques éléments de différenciation:
- L'entrée dans la maladie. Dans la dépression comme le burn-out, la pathologie s'installe dans une chronicité progressivement. Pourtant, dans le burn-out, on remarque souvent une décompensation, un coup d'arrêt brutal, un effondrement, contrairement à la dépression où l'affaiblissement des ressources se poursuit jusqu'à ce que la détresse conduise le sujet ou son entourage à demander de l'aide. Certains cliniciens considèrent que l'insomnie est, chez le dépressif, une tentative du psychisme pour lutter contre la maladie, tandis que chez le patient en burn-out, elle conclut l'explosion symptomatique: le repos n'est alors plus possible.
- L'origine. De nombreuses théories psychanalytiques, cognitives et biologiques ont été proposées pour expliquer la dépression et ce, depuis 1856. Le "burn-out" a été identifié plus récemment et s'aborde surtout par les approches cognitives. On considère qu'il survient lorsque les ressources cognitives et affectives d'un sujet sont saturées, sidérées par la pression, incapables de traiter et de s'adapter encore aux afflux extérieurs.
- Le syndrome. Le burn-out s'apparente à la fragilisation de l'organisme et du psychisme suite à un stress (une agression extérieure) répété. Il survient essentiellement dans le cadre professionnel. La dépression, peut également survenir comme la conséquence à des événements vécus par le patient, traumatiques ou non, mais pas nécessairement. Ce syndrome peut s'associer à différentes pathologies psychiatriques. Les psychanalystes utilisent parfois l'expression "angoisse de perte d'objet" pour définir ce mal-être, la douleur impensable, l'épuisement d'une existence qui a perdu de son sens. Cette béance identitaire, autrefois dite "mélancolique" qui entraîne un vécu altéré de vide, de mort. Le sujet en burn-out ne trouve plus le repos, le déprimé est prisonnier d'une fatigue de tout.
- L'humeur. Dans le burn-out, le patient a le sentiment d'être à bout de force, ces ressources cognitives se sont consumées et produire un effort est devenu impossible même si la lutte interne pour y parvenir se poursuit longtemps. Irritabilité prononcée, colères explosives, crises de larmes, hébétude, panique et découragement s'entremêlent pour modeler un délétère sentiment de handicap. Pour la dépression on évoque souvent l'humeur dépressive comme un élément diagnostic. Ce n'est pas une simple tristesse qui dure mais une intense douleur morale, une altération de l'estime de soi-même (parfois extrêmes) un abattement qui s'exprime mentalement et physiquement.
- L'impact sur le corps. Il est plus ardu de les différencier sur ce point. Pour la dépression, on avance "la perte de l'élan vital", un ralentissement psychomoteur qui touche la mobilité corporelle, la gestuelle, la voix et le discours, les mimiques: l'asthénie dépressive. Dans le burn-out, on peut remarquer également cette diminution physique et bien sûr l'altération des facultés cognitives (mémoire, attention, concentration, langage) mais notons surtout cette tentative continue de produire un effort... et de ne pas y parvenir. Le travail engendre une fatigue persistante, des algies, une dégradation du sommeil et diverses somatisations (troubles digestifs, dermatologiques). Au repos apparaissent migraines, douleurs musculaires, etc.
- Les idéations. Le déprimé peine à se projeter dans l'avenir, un cynisme, un pessimisme et une nostalgie exacerbés (passé idéalisé) marquent son rapport au monde. L'asthénie est aussi affective et on relève fréquemment une indifférence envers les autres, une atonie émotionnelle. Dans le burn-out, le sujet peut avoir une impression de dépersonnalisation, un vécu d'agression ou de persécution, une phobie de son milieu professionnel, il n'envisage plus sa place dans le système qui le fait souffrir, c'est son environnement direct qui lui semble menaçant. On remarque un sentiment d'insécurité, une volonté d'isolement. Dans les deux pathologies peuvent s'exprimer des pensées suicidaires.
- Une résonnance sociale. Notre société est dépressiogène et nous fragilise narcissiquement en prétendant que des "fétiches" nous permettent de traverser les différents deuils de l'existence quand seuls la pensée et le langage le permettent, que le manque qui nous constitue est une vulnérabilité dont il convient de se débarrasser. Mais on peut également arguer que l'obsession de brillance-performance-jouissance, et la menace omniprésente de "la crise" et ses exclusions conduit également les sujets à se mobiliser bien au-delà de leurs capacités physiques et psychiques: à risquer constamment le burn-out pour tenir le rythme de l'accélération sociale