Pour une autre approche des difficultés psychologiques : l'approche transdiagnostique. Son enjeu ? Quitter les étiquettes et se centrer sur la personne dans sa globalité (J-L Monestès et C Baeyens, Dunod, 2016).
C’est comme si, après avoir satisfait une ambition de description du vivant, on se retrouvait face à une catégorie ‘‘chat à taches blanches’’ et une autre ‘‘chat à taches rousses’’ et qu’on rencontrait trop souvent des chats à taches blanches et rousses »
Actuellement, au sein des institutions, des cabinets et des manuels de psychopathologie, règne l’approche catégorielle, propre au DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) et à la CIM (Classification Internationale des Maladies) : les difficultés psychologiques des patients y sont organisées comme le seraient des maladies physiques, c’est-à-dire en catégories diagnostiques. Toutefois, cette manière d’approcher les difficultés psychologiques suscite de nombreuses réserves de la part des cliniciens et des chercheurs.
Deux critiques sont généralement avancées :
Primo, cette approche catégorielle (dite aussi essentialiste) se révèle inadaptée à la grande variabilité des profils de personnes à qui l’on a diagnostiqué un même trouble. Exemple : Messieurs Dupont et Dupond se sont vus tous deux attribuer l’étiquette de « trouble dépressif majeur ». Et pourtant, leur profil, la gravité de leurs difficultés, les facteurs d’apparition de leur souffrance psychologique sont tout à fait différents.
Secundo, dans cette approche « par étiquette » prédominent les explications neurobiologiques, alors que nombre de difficultés psychologiques pourraient s’expliquer par un contexte relationnel défavorable, par exemple. Les catégories de troubles paraîtraient donc trop précises et pas assez nuancées. « C’est comme si, après avoir satisfait une ambition de description du vivant, on se retrouvait face à une catégorie ‘‘chat à taches blanches’’ et une autre ‘‘chat à taches rousses’’ et qu’on rencontrait trop souvent des chats à taches blanches et rousses », argumentent Jean-Louis Monestès et Céline Baeyens, du Laboratoire Inter-universitaire de psychologie de l’université Grenoble Alpes.
De cette prise de conscience est née, dans les années 2000, une toute autre approche des difficultés psychologiques : l’approche transdiagnostique. Son enjeu ? Quitter les étiquettes et se centrer sur la personne dans sa globalité. Différents types de processus psychologiques (cognitifs, affectifs, relationnels…) sont alors intégrés au profil du patient, auxquels s’ajoutent des facteurs d’ordre biologique, social ou circonstanciel.
En d’autres termes, « la question n’est donc plus d’avoir ou ne pas avoir un trouble dépressif majeur, mais plutôt d’envisager l’épisode dépressif majeur comme un réseau de symptômes causalement reliés », analyse Martial Van der Linden, professeur en psychologie clinique à l’université de Genève. Sachant que chez un même patient, ces symptômes peuvent être activés ou inactivés, sur on ou sur off. Les frontières entre les différents troubles mentaux sont donc plus floues que dans l’approche habituelle…
Par exemple, le perfectionnisme est observé dans différents troubles dont le trouble dépressif, le trouble des conduites alimentaires et le trouble d’anxiété sociale. Le cas clinique est le suivant : Lucie, une lycéenne, surinvestit la scolarité pour être « la meilleure en sciences » afin d’avoir « une chance de faire médecine ». Progressivement, ce rythme de travail soutenu, jour et nuit, entraîne un épuisement physique accompagné de symptômes dépressifs. Parallèlement, les parents de Lucie remarquent que leur fille est de plus en plus préoccupée par son poids et sa silhouette, déclarant qu’« aucun bourrelet n’est tolérable ». Le perfectionnisme est ici considéré comme un processus responsable de maintenir ou de causer différents troubles. L’idée est donc de cibler, dans la prise en charge, le perfectionnisme comme une « cible d’intervention prioritaire ». La littérature souligne que les programmes d’intervention cognitivo-comportementale ciblant le perfectionnisme permettent de diminuer l’anxiété et la dépression.
Cet ouvrage, le premier à présenter en français l’approche transdiagnostique en psychopathologie, se révèle être une lecture incontournable pour nombre de cliniciens et de chercheurs qui œuvrent dans le champ de la maladie mentale.